Le cours du 27 janvier (première heure), qui aurait pu s’intituler « Je suis Verlaine », s’est ouvert, vingt jours après les événements que l’on sait, sur la lecture d’un long fragment de Sub Urbe, un des Poèmes saturniens, consacré aux « pauvres morts ». On est ensuite revenu sur Anselme de Canterbury et sa distinction entre causalité directe, par soi (‘per se’) et causalité indirecte, par un autre (‘per aliud’). On a proposé sur cette base une analyse anselmienne de « Je n’ai pas voulu cela ». Ce retour à Anselme s’est poursuivi en développant un second exemple de Chisholm : tirer sur un homme, menant à la formulation d’une thèse générale sur la responsabilité, assurant que je ne suis responsable que d’un acte qu’il était en mon pouvoir de ne pas accomplir. La causalité anselmienne ‘per aliud’ ouvre sur une possibilité théorique exprimée dans ce qu’on a appelé « la théorie des deux agents », illustrée chez Chisholm par un argument, « l’argument du deuxième homme », faisant intervenir un deuxième tireur pressant le doigt du premier, pour figurer une situation où l’agent auquel on l’impute ne peut être tenu pour responsable de l’acte qu’il paraît avoir accompli. On a ensuite évoqué une extrapolation de « l’argument du deuxième homme » : « l’argument des croyances », qui, en l’espèce de mes croyances, place le « deuxième tireur » en moi – tel un alien agissant à ma place. On a ensuite évoqué la théorie musulmane de l’acquisition des actes, en rappelant les thèses principales d’al-Asha’rî (873/874-935/936), distinguant Créateur des actes (Dieu) et acquéreur des actes (l’homme). On a comparé cette thèse à celle du Dieu « premier moteur de nos actes » de Thomas d’Aquin, mentionnée dans Human Freedom and the Self, puis rappelé que, pour Chisholm comme pour Locke, le vrai problème de la liberté n’est pas de savoir si je suis libre de faire ce que je veux, mais libre de vouloir ce que je veux. On retrouve la même question chez Schopenhauer dans l’Essai sur le libre arbitre, avec la question : « Puis-je vouloir ce que je veux ? », et sa réponse, négative et déterministe, portée par l’exemple de la « liberté de la girouette ». L’heure s’est achevée sur l’énoncé des trois questions de Locke dans l’Essai sur l’entendement humain : L’homme est-il libre de vouloir les choses qu’il veut effectivement faire ? Libre de ne pas vouloir telle d’entre les choses qu’il veut faire ? Libre de vouloir telle d’entre les choses qu’il ne veut pas faire ? – auxquelles on a ajouté une quatrième : Quand ? – c’est-à-dire : avant de commettre l’acte ou bien au moment où il l’accomplit ?
16:30 à 17:30
Cours
L'invention du sujet moderne (suite) : la volonté et l'action (3)
Alain de Libera